Recrutement : les écueils à éviter

Se lancer dans un recrutement n’est pas anodin : d’abord pour l’enjeu qu’il représente, ensuite pour le temps que l’on doit y passer, enfin pour la difficulté que cela représente parfois, sans compter que l’on n’est pas certain du résultat.

Si on doit évoquer une seule vérité en matière de recrutement, c’est qu’il ne faut jamais embaucher par dépit. Il est préférable de ne pas embaucher du tout que d’embaucher une personne dont on n’est absolument pas certain mais, uniquement parce que cela répond à un besoin immédiat, on la recrute quand même. Trop d’entreprises se retrouvent dans des situations difficiles avec des salariés qui n’ont pas leur place dans leur entreprise et dont il pourra être très difficile de se séparer si nécessaire. Une fois que l’on a dit cela, il faut tout de même faire attention à un certain nombre d’éléments que l’on pourrait appeler des « biais cognitifs » lors de nos recrutements.

« Un biais cognitif est un schéma de pensée trompeur et faussement logique. Cette forme de pensée permet à l’individu de porter un jugement, ou de prendre une décision rapidement. Les biais cognitifs influencent nos choix, en particulier lorsqu’il faut gérer une quantité d’informations importantes ou que le temps est limité. Il se produit ainsi une forme de dysfonctionnement dans le raisonnement. » https://www.usabilis.com/definition-biais-cognitifs/

Ainsi, en recrutement, nous sommes souvent pris par le temps : notre pensée va donc se diriger vers des chemins qui ne correspondront pas obligatoirement à ce dont on a besoin.

1. Prendre son temps pour recruter

Recruter demande du temps. Quiconque dira le contraire ne fait pas ou n’a jamais fait de recrutement. En effet, il faut d’abord identifier le besoin au sein de son entreprise, et ce n’est pas la moindre des tâches. On a souvent l’idée de ce dont on a besoin. Mais prendre le temps d’écrire très précisément ce que l’on recherche (pourquoi, pour quelles tâches, pour quel apport dans mon entreprise, pour travailler avec qui, pour aider qui, etc.) est primordial.

J’ai un jour rencontré une personne qui disait rechercher une comptable. Après discussion avec mon interlocuteur, il s’est avéré qu’il avait besoin finalement d’un(e) secrétaire générale. Au-delà d’écrire les tâches précises de votre futur collaborateur, il ne faut pas hésiter à réfléchir avec une personne extérieure à votre environnement professionnel car le recul fait aussi partie de la réflexion du recrutement.

Par ailleurs, écrire les tâches que la personne devra être en mesure de réaliser vous permettra de vérifier que ces tâches ne sont pas déjà faites ou devraient être faites par certains de vos collaborateurs. L’absence de doublons sur les tâches à réaliser empêchera des soucis post recrutement avec vos collaborateurs en place.

Ce travail nécessaire en pré-recrutement permet d’étudier très précisément son besoin.

2. Rédiger l’offre d’emploi

Si vous avez défini convenablement le poste à pourvoir, vous n’aurez plus de difficultés à rédiger votre offre d’emploi. Mais là encore, il faut faire attention à ces biais cognitifs dont on a parlé plus haut.

Vous sortez de l’Ecole XXX et vous souhaitez embaucher un cadre. Vous aurez tendance à faire appel à votre ancienne école (parce que vous l’aimez, parce que vous la connaissez, parce que vous connaissez le contenu des formations dispensées, etc.). Or, tous les candidats potentiels ne sortiront pas obligatoirement de votre école. Sauf si vous souhaitez recruter votre clone, n’hésitez pas à faire appel à des candidats issus d’autres formations qui vous apporteront une autre façon de penser et peut-être d’autres savoirs. On sait que plus les salariés d’une entreprise ou d’une équipe sont complémentaires, meilleure elle est.

De la même façon, vous êtes diplômé(e) d’un BAC +2 et jamais vous ne recruterez un BAC +5 parce vous estimez qu’il sera meilleur que vous et que vous n’avez pas envie de vous faire dépasser par ce collaborateur. Encore une fois, les biais cognitifs peuvent vous donner une image détestable des candidats qui auraient un niveau scolaire supérieur au vôtre. Le sujet n’est pas le diplôme mais plutôt quel diplôme pour le poste proposé, par rapport à l’évolution éventuelle du poste, aux compétences complémentaires aux vôtres, etc. Vous n’allez pas passer à côté de quelqu’un qui peut beaucoup apporter à votre entreprise parce qu’il(elle) a un diplôme supérieur au vôtre. Votre expérience, votre savoir-faire et la connaissance de l’histoire de votre entreprise feront que vous aurez toujours une longueur d’avance.

Par ailleurs, lors de la rédaction de votre offre, réfléchissez bien à ce que vous pouvez apporter à votre futur(e) collaborateur(trice), et à ce qu’il(elle) pourra vous apporter. Un contrat de travail, c’est du donnant donnant.

Lors de la diffusion de votre offre d’emploi, avant de la diffuser à l’extérieur, diffusez-là d’abord en interne. Peut-être l’un(e) de vos collaborateurs(trices) serait intéressé(e) par ce poste. Dans le cadre de votre GPEC, faire évoluer vos collaborateurs avant d’en chercher à l’extérieur devrait être un réflexe. Et attention aux biais cognitifs qui pourraient provenir de ce que vous savez du collaborateur en question et qui vous feraient porter des jugements qui pourraient s’avérer complètement faux. Apprenez à le connaître comme vous le feriez avec un candidat qui vient de l’extérieur.

Peut-être êtes-vous réticent à faire appel à des collaborateurs en interne car vous ne savez pas dire « non ». D’où l’intérêt de bien définir les tâches du poste afin de trouver des contre arguments à une candidature interne qui ne pourra pas faire l’affaire.

3. Lecture des CV et lettres de motivation

Si votre annonce est bien rédigée, vous pourrez facilement trier les CV et les lettres de motivation qui reprendront les mots-clés que vous aurez utilisés. Evidemment, il vous faudra une deuxième lecture plus approfondie mais ce premier tri vous permettra d’écarter les personnes qui auront répondu sans avoir bien lu votre annonce, ou qui auront envoyé leur candidature « pour voir ».

Chez IROISE, nous trions les CV de la façon suivante :

  • OUI
  • PEUT-ETRE
  • NON

Nous reprenons les deux premières piles pour une relecture plus profonde.

4. Appel téléphonique avant rendez-vous physique

Cet appel téléphonique est nécessaire pour vérifier que la personne qui a répondu est toujours disponible, qu’elle a bien compris le poste (exprimez-vous en anglais si vous souhaitez quelqu’un qui parle l’anglais par exemple, ou vérifiez en quelques mots que la personne maîtrise bien son métier), vérifier que la personne a bien compris qu’il s’agit d’un poste à mi-temps si c’est le cas, que le lieu de travail lui correspond, que ses expériences sont réelles, etc.

Dès lors, vous pouvez lui proposer un premier entretien en face à face.

5. L’entretien en face à face

C’est là le plus souvent que nos biais cognitifs refont surface, même s’ils ont pu surgir déjà lors de l’entretien téléphonique.

Se munir de la fiche de poste que vous avez préparée pour discuter avec le ou la candidat(e) afin d’avoir un support et pouvoir répondre à d’éventuelles questions. Chez IROISE, un entretien d’embauche est d’abord et avant tout une discussion entre deux personnes : l’une qui propose un poste et qui attend des compétences et un savoir-être particulier, l’autre qui recherche du travail et qui peut proposer certaines compétences et son propre savoir-être.

Et là, il faut être très vigilant quant à ses propres biais cognitifs. Rester factuel vous aidera à garder la tête froide quant aux différents candidats que vous allez rencontrer. Prenez toutes les notes que vous jugez utiles pour éviter les biais cognitifs liés à votre mémoire :

  • On se souvient trop souvent des dernières informations reçues. Ainsi, le dernier candidat aura plus de chance d’être choisi (effet de récence).
  • Faire attention à votre première impression : le candidat peut faire forte impression au premier abord (parce que : excellente présentation, manipulateur, charmeur, etc.). Mais creusez comme pour tout candidat. De même, une apparence physique ne doit pas être suffisante à votre prise de décision (biais cognitif dit de la première impression).
  • Faire attention à un candidat déjà rencontré auparavant : on pourra être plus bienveillant à son encontre (effet de simple exposition ou ancrage).

Etant donné que cet entretien doit se transformer en discussion, le candidat sera de plus en plus à l’aise et se montrera tel qu’il est : autonome, indépendant, aimant travailler en équipe, rigoureux,

brouillon, créatif, pointilleux, etc. Ce sont les mots que vous allez échanger, c’est le comportement du candidat pendant l’entretien, c’est son ouverture d’esprit, ses connaissances générales, qui doivent vous donner de la matière à votre décision.

Donc, pendant l’échange, toujours avoir en tête que ce candidat n’est pas obligé de penser comme vous, de voir les choses comme vous (biais cognitif de projection). Il a le droit d’avoir des idées différentes des vôtres. Alors, surtout, ne répondez jamais à sa place : si vous ne comprenez pas l’une de ses réponses, refaites formuler. Mais n’anticipez jamais ce qu’il pourrait répondre. La balle est dans votre camp : c’est vous qui attendez des réponses, ce n’est pas à vous de les donner à sa place. Parce que vous allez répondre ce que vous souhaitez entendre. Or, votre interlocuteur ne pense pas comme vous et ne répondra pas obligatoirement ce que vous attendez. Et c’est bien là que vous récupérez des informations nécessaires à votre prise de décision. Afin de ne pas vous faire piéger, utilisez toujours des questions ouvertes (éviter le biais de cadrage) :

  • Dites-moi, que pensez-vous de cela ?
  • Pourquoi suggérez-vous cela ?
  • Comment pensez-vous y arriver ?
  • D’après vous, qu’arrivera-t-il maintenant ?
  • Comment changeriez-vous les choses ?
  • Que souhaitez-vous qu’il se passe ?
  • Qu’est-ce qui cause le problème ?

De la même façon, si le candidat vous donne des réponses qui ne vous conviennent pas, ne commencez pas à le juger immédiatement. Il va peut-être vous étonner par des réponses qui vont vous surprendre : parce qu’il est plutôt créatif et qu’il vous apporte des idées nouvelles, parce qu’il a déjà une certaine expérience et qu’il pourra vous donner des idées d’organisation, par exemple. Essayez de comprendre ce qu’il veut dire, pourquoi. Creusez ! Ensuite, vous pourrez peut-être vous dire qu’il ne correspond pas à ce que vous attendez.

Par ailleurs, afin de vérifier ce que vous raconte le candidat, faites-lui prouver ses expériences par des réalisations concrètes.

6. Le deuxième entretien en face à face

Pour un poste d’agent de maîtrise ou de cadre, nous préconisons chez IROISE un second entretien pour les candidats de la short list, pour plusieurs raisons :

  1. Pour vérifier ce que la personne a retenu du poste (a-t-elle pris des notes lors du premier entretien, a-t-elle compris ce que l’on attend d’elle, etc.)
  • Pour lui faire rencontrer les personnes avec lesquelles elle serait susceptible de travailler : de plus en plus, les candidats souhaitent rencontrer leurs futurs collègues. Ce deuxième entretien vous permet de faire visiter l’entreprise, de montrer l’environnement de travail, et de permettre au candidat de partager quelques minutes avec vos collaborateurs (qui devraient donner envie de rejoindre votre entreprise).
  • Il est intéressant également de demander au candidat, à l’issue de ce second entretien, un retour par écrit de ce qu’il a retenu du poste, de ce qu’il peut apporter sur ce poste au regard de ses compétences et de son expérience, et de qu’il attend de son poste.

Tous ces éléments très factuels vont vous permettre une réflexion plus poussée avant votre prise de décision.

7. Les soft-skills ou savoir-être

On a beaucoup parlé des compétences. Mais quid du savoir-être ? Eh bien, vous l’aurez détecté lors de votre entretien / discussion. Plus votre interlocuteur sera à l’aise, plus il lâchera prise et vous pourrez détecter ce qui vous intéresse dans son savoir-être. Au cours du second entretien, il sera également plus à l’aise puisque sur la short list : là encore, vous pourrez incidemment, au cours de la discussion, poser une ou deux questions dirigées sur le savoir-être si vous voulez en connaître plus sur votre candidat.

8. Vous devez choisir entre deux candidats

Lorsque vous êtes confrontés à deux candidatures qui vous intéressent et que vous avez du mal à choisir, les biais cognitifs peuvent vous jouer des tours. Vous pourrez préférer l’un plutôt que l’autre parce qu’il correspond à l’idée que vous avez d’un bon candidat (le bon élève), ou parce qu’elle est plus souriante et plus avenante, etc. (biais de l’extraordinaire ou de naïveté) Restez factuel et regardez ce que chacun va apporter à votre entreprise : une expérience plus intéressante, un carnet de clients, une créativité hors norme alors que vous n’avez aucun profil comme celui-ci dans votre entreprise, etc. Le savoir-être peut être primordial dans votre prise de décision en fonction du poste recruté.

Si vous laissez de côté ces biais cognitifs (qui font que nous sommes des êtres humains), vous ferez un bon recrutement (tout en sachant que le recrutement n’est jamais une science exacte). Vous vous serez donné en tout cas toutes les clés pour le réussir. Et cela vous procurera également des arguments pour expliquer au candidat non retenu pourquoi il ne l’a pas été. Car il faut toujours expliquer à un candidat qui a répondu à votre annonce, qui s’est déplacé pour plusieurs entretiens, pourquoi il n’est pas retenu. Cela fait partie de votre marque employeur, et la personne vous en sera très reconnaissante car peu d’employeurs agissent de la sorte.

Marie-hélène Nedellec est directrice de Iroise, partage et compétences

Rédigé par Marie-Hélène Nedellec
Directrice

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